A l’Origine

 

Un film de / A movie by Xavier Giannoli

 

Avec / With François Cluzet, Emmanuelle Devos, Vincent Rottiers, Gérard Depardieu…

 

Synopsis (http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=133525.html)  : Philippe Miller est un escroc solitaire qui vit sur les routes.
Un jour, il découvre par hasard un chantier d'autoroute abandonné, arrêté depuis des années par des écologistes qui voulaient sauver une colonie de scarabées.
L'arrêt des travaux avait été une catastrophe économique pour les habitants de cette région. Philippe y voit la chance de réaliser sa plus belle escroquerie. Mais son mensonge va lui échapper.

Présenté à Cannes en 2009 dans une version plus longue, A l’Origine n’avait pas emballé la critique, ni la Croisette. Et pourtant…

 

Remonté pour sa sortie au mois d’octobre, amputé de 25 minutes, A l’Origine est pourtant un grand film, ambitieux, généreux, romanesque et incroyablement original.

 

Inspiré d’une histoire vraie, celle de Philippe Berre, qui, en 1997, prit la tête d’un chantier abandonné de l’A28, dans la Sarthe, le spectacle qui se joue sous nos yeux est tout simplement incroyable. D’un quiproquo provoqué par l’audace de cet arnaqueur doué mais relativement modeste, associé à un emballement d’une région marquée économiquement, qui voit dans la réouverture du chantier l’opportunité de redresser la barre et de redonner de l’espoir aux gens, l’homme va s’improviser chef de chantier, pour faire construire un morceau d’autoroute abandonné depuis deux années.

 

De ce postulat saisissant, Giannoli signe l’un de ses plus beaux films depuis Les Corps Impatients. Porté par des comédiens excellents, dont François Cluzet et Vincent Rottiers, il laisse le spectateur juger lui-même du personnage de Philippe Miller, sur lequel il porte un regard distancié, dont il saisit les nuances infimes, la peur, l’anxiété et la fragilité d’un édifice qu’il construit de toutes pièces, mais aussi son énergie, sa volonté et son pouvoir de conviction. Le jeu de François Cluzet est tout à fait admirable car le comédien réussit à restituer la complexité et la fragilité de ce personnage atypique, et à porter le film sur ses épaules.

 

Giannoli ouvre le rideau sur un théâtre gigantesque, un chantier d’autoroute en pleine nature, un personnage à part entière qui va être la grande scène de Philippe Miller, d’abord écrasé par le ballet des machines arrivant sur le chantier, avant d’être emballé par la grandeur du projet et faisant le maximum pour le terminer, malgré les suspicions de plus en plus nombreuses et les incohérences qui entourent sa « société ». Cette scène incroyable, le cinéaste la filme avec beaucoup de profondeur, d’altitude et de lumière, pour en restituer la folie mais aussi la beauté.

 

Et c’est ici que le film prend de l’ampleur, plongeant ces gens ordinaires dans une aventure extraordinaire, tous emballés par un projet salvateur, occultant volontairement certaines incohérences du chef de chantier, homme inaccessible et mystérieux, égaré surtout alors que la machine s’emballe autour de lui.

 

Bercé par la musique magnifique de Cliff Martinez, qui enrichit les images et supporte la dramaturgie du récit, A l’Origine pousse le spectateur à se demander ce qu’il aurait fait dans la même situation, le pousse à se forger sa propre opinion de l’arnaqueur audacieux.

 

Les failles de Miller vont se révéler, notamment auprès de Nicolas, interprété par Vincent Rottiers, petit dealer et voleur, dont Miller fera son chauffeur attitré malgré les doutes que le jeune homme a d’emblée. La figure du père, lui donnant l’envie de travailler, de se dépasser, de faire partie d’une équipe, le jeune Nicolas va lui aussi tomber « sous le charme » de Miller, à l’instar de la maire du village, veuve, qui va apporter toute son aide et son concours pour que le projet permette à la communauté de revivre après des temps moroses.

 

Que vous aimiez ou détestiez le personnage de Miller à la fin du film, A l’origine vous marquera, comme cette épique scène de fin digne des plus grands, où la grandeur d’une histoire se révèle à la travers le prisme du regard de simples hommes.

 

Si Tahar Rahim méritait le César du Meilleur Espoir sans conteste, François Cluzet, doublement nommé pour A l’Origine et Le Dernier pour la route, aurait mérité celui de Meilleur Acteur pour ce rôle de Philippe Miller, l’un des meilleurs de sa déjà riche et talentueuse carrière.

 

Xavier Giannoli poursuit lui un brillant parcours de cinéaste, entamé avec le douloureux Les Corps Impatients, un cinéma lyrique et dramatique où les comédiens semblent s’épanouir. Un réalisateur dont on attend la prochaine œuvre avec, justement, beaucoup d’impatience.

 

L’un des films incontournables de 2009, à voir ou revoir.

 

Arnaud Meunier

04/04/2010

 

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